Tu verrais ton comportement en sa présence. Tu te déplaces comme si tu t'orientais systématiquement en fonction de lui. Lorsqu'il bouge, même un tout petit peu, tu ajustes ta position à la sienne. On dirais des aimants... une sorte de réaction gravitationnelle. A croire que tu es un satellite. C'est très bizarre.
Un amour si fort, si passionnel, si intense, n’aurait jamais du exister. « Ne me laisse pas, Adriel. » Rien n’aurait du se passer ainsi. « Je t’en supplie, ne me quitte pas. » Les sirènes des pompiers ne sont que des murmures. Chaque seconde qui passe n’est que pincements au cœur. « Je t’aime tellement, si tu savais ! » Des larmes, des mots, et de la terreur. La terreur d’être seule, pour toujours. Il est allongé là, sur le brancard. A chaque mot qu’elle prononce, les pompiers tentent de le réanimer. Ginger garde espoir, elle sait qu’elle ne sera plus jamais rien sans lui, qu’il n’a pas le droit de laisser ainsi. « C’est terminé, mademoiselle, nous ne pouvons plus rien faire pour lui. Je suis désolé. » Le bruit assourdissant de la sirène lui arrive dans les oreilles. Un bruit perçant, agressif, qui la pousse un peu plus dans l’obscurité de la nuit. Ses grands yeux humides balaient le corps inerte de l’Amour de sa vie, et des larmes coulent sur sa joue. Elle ne lâche pas sa main, espère encore, le secoue doucement, appuie sur son torse. Dans l’espoir de le voir ouvrir les yeux. Dans l’espoir qu’il la tienne encore une fois dans ses bras. Qu’il l’embrasse une énième fois. C’est impossible. Tout bonnement impossible. Ils devaient se marier dans deux ans. Ils devaient avoir un enfant ensembles. Galérer ensembles. Vieillir ensembles. Et mourir ensembles. « Je t’interdis de faire ça, Adriel ! Tu m’entends ?! Je t’interdis de faire comme si tu devais me quitter ! Ouvre les yeux, bordel ! Tu m’as promis, tu m’as promis de ne jamais me quitter ! » Elle hurle, maintenant. Des bras l’encerclent, une tête se dépose sur son épaule. On tente de la calmer. C’est Emrys. Son meilleur ami. « Calme toi, ma Ginger… Viens… » Et elle se débat, crie, tente de le frapper, éclate en sanglots, et se retrouve par terre, les genoux égratignés, le visage plein de sang, cette douleur aux côtes. Mais elle s’en fiche. Elle a cette douloureuse impression qu’on lui a retiré ses organes. Elle se sent étouffer, se sent mourir, partir avec lui. Comme si Adriel tentait de l’entrainer avec elle. Et Ginger se laisse aller. Quitte à partir, elle veut partir tout de suite. Pour ne pas le perdre, pour être avec lui pour l’éternité. Le corps inerte de son homme s’avance, sous la force des pompiers, et elle se retrouve dans la nuit, une couverture sur les épaules, entourée, mais seule. Terriblement seule.

Il est arrivé, sans prévenir, avec son charme fou, sa gueule d'ange, sa gentillesse et son humour ravageur. Mon cœur s'est remit à battre, comme ça, d'un coup. L'engrenage a reprit. Et je le remercie sincèrement, car il me rend un peu plus vivante chaque jour.
« Dégage ! » « Ginger ! » « Dégage, j’te dis ! Sors de chez moi ! » C’est une jeune femme meurtrie de vingt deux ans qui hurle. Elle hurle si fort. Emrys est dans le salon. Il est entré sans frapper. Il sait pertinemment qu’elle n’aurait jamais ouvert la porte sinon. Les mains dans les poches, il n’a pas l’intention de partir d’ici, observant Ginger de haut en bas. Elle est si pâle, paraît si fragile. Il a l’impression qu’elle ne sait pas changée depuis sa dernière visite, il y a une semaine. Toujours ce même jogging gris et ce t-shirt. Le t-shirt d’Adriel. Elle ne le quitte plus. Ses joues d’ordinaire rosées, son sourire éblouissant et sa mine enjouée a disparu. A la place, elle ressemble à une femme livide, sans émotion quelconque, si ce n’est la haine qui s’est emparée d’elle. Ca fait deux ans. Deux ans qu’Adriel est mort. Partie vivre dans son appartement, elle y passe toutes ses journées, assise sur son canapé, dans un silence de plomb. Chaque jour est un peu plus long que le précédent, et dans ses yeux meurtris, le monde n’est plus ce qu’il était. Elle a déjà tenté de se donner la mort, mais il semblait qu’elle ne veut décidemment pas d’elle. Alors elle attend, elle réfléchit en silence, se demandant quand elle pourrait recommencer. Quand elle pourrait rejoindre l’Amour de sa vie. Emrys s’approche d’elle, doucement. Et automatiquement, Ginger se recule. Elle a cet air sauvage, comme si elle avait peur qu’on la touche. « Dégage, j’te dis ! » Et pourtant, il continue à avancer, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus se reculer, jusqu’à ce qu’elle touche le mur, et que leurs visages soient si proches que le jeune homme pouvait sentir le parfum préféré d’Adriel. Elle puait le parfum de mec à plein nez. Il n’y avait que ça de plaisant chez elle, à ce moment là. Son visage était si maigre, ses longs cheveux bruns étaient si négligés. Ginger avait cette envie de le frapper. Elle était capable de tout, maintenant, partageant la même haine envers tout le monde, que ce soit envers ses parents, envers son petit frère, et même envers son meilleur ami, qui avait toujours été là pour elle, encore plus que quiconque au monde. « Ne me force pas à t’assommer pour te faire prendre une douche. » Il soupire, n’a même pas envie de sourire. « Occupe toi de toi. Moi je vais très bien ! Tu ne vois donc pas que je suis heureuse ?! Prends ta putain de veste et barre toi de chez moi. » « Oh, et puis, va t’faire foutre Ginger Hawkins ! » Et dans un geste des plus déterminés, il attrapa son visage et plaqua ses lèvres contre les siennes, dans un baiser qu’il voulu passionné. Tous les muscles crispés de la belle se détendirent en même temps. Elle vint serrer la nuque de Emrys et lui rendit son baiser avec ardeur. Et quand il prit fin, ils durent tous les deux mettre un long moment avant de se rendre compte de leur geste. Ce baiser n’avait rien de significatif. Ni pour lui, ni pour elle. C’était simplement ce qu’ils avaient toujours fait, avant que Ginger tombe amoureuse d’Adriel il y a quatre ans. S’embrasser sur la bouche pour se montrer leur soutien et leur amour infini l’un pour l’autre. Leur relation avait toujours été platonique, et Emrys avait toujours su garder patience avec elle, depuis la mort de de son petit-ami. Il savait qu’en agissant ainsi, il refermait durant quelques secondes le trou béant dans sa poitrine, et que Ginger pourrait se sentir mieux. Ne serait-ce qu’un instant. Ils l’avaient tous les deux compris, lorsque la jeune femme, d’ordinaire agressive et haineuse, fondit en larmes dans les bras de son meilleur ami.

Un ami , C'est un etre qui ne doute jamais de vous, qui ne vous demande rien et qui est pret à tout vous donner...C'est un coeur large qui oublie et pardonne. « Où est-ce qu’on va, Emrys ?! » « Loin ! Loin de tout ce monde ! Loin de cette vie monotone et merdique ! » « Ecoute, j’ai beau être la première à dire que cette vie est pourrie, je n’ai aucunement envie de laisser cette appart ici ! » « Ah oui ? Et tu comptes faire comment, l’emmener avec toi ?! » « Ah, parce que tu m’obliges à te suivre en plus ? » « Un peu, oui ! » Il zigzaguait dans l’appartement de Ginger, tandis qu’elle le suivait en trottinant nerveusement derrière lui, se demandant bien ce qu’il pouvait faire. « Tu vas arrêter de me suivre, Gin' ?! Va préparer tes affaires ! » Ca faisait un mois qu’elle allait mieux. Emrys était la seule personne qu’elle souhaitait voir, à présent. Il dormait chez elle, mais elle l’interdisait toujours d’entrer dans sa chambre, prenant soin de toujours la barrer à clef. Pourquoi ? Parce que c’était là qu’elle avait enfermé toutes les choses d’Adriel. Ce n’était même plus une chambre, à présent. Elle dormait sur un matelas, une espèce de couette par-dessus elle, au milieu d’un tas de babioles importantes pour elle. Mais malgré ça, malgré tout, Ginger allait mieux. Elle avait même décroché son premier sourire il y a une semaine, et son meilleur ami avait vraiment l’impression de s’occuper d’un bébé apprenant à marcher. Mais il l’aimait tellement qu’il aurait fait n’importe quoi pour elle. Jusqu’à s’enfuir avec Ginger. Et c’est-ce qu’il avait en tête, depuis ce matin. Il s’était réveillé de bonne humeur, avait préparé un gros déjeuner principalement pour Ginger qui, comme à son habitude, avait plutôt préféré se réveiller avec une clope à la bouche et son verre de Whiskey. « Tiens, enfile ça ! » Il lui jeta un jeans slim et un débardeur, et la jeune femme l’analysa deux longues minutes avant de s’enfermer dans sa chambre. Qu’est-ce qu’elle fichait encore ? Emrys attrapa même peur. Si elle comptait s’enfermer dans sa foutue chambre, c’était impossible de la faire changer d’avis. Quand il eut terminé de ranger ses propres affaires dans son grand sac de sport, il vint frapper à la porte de Ginger. « Ginger ? Qu’est-ce qu’il se passe ?! Ca va pas ? » Sa voix se voulait douce, bien qu’assez inquiète. Pourtant, elle vint l’ouvrir, vêtue d’une jolie petite robe bleue nuit, lui arrivant juste un peu au dessus de ses genoux. Ses longs cheveux bruns étaient coiffés et redressés d’un chignon élégant, et elle n’eut même pas besoin de mettre un peu de maquillage qu’elle était sublime. Emrys en fut presque déboussolé. Ginger se contenta d’afficher un grand sourire faux, dévoilant ses petites dents blanches, avant de ré adopter sa mine fatiguée et triste, bien qu’elle semblait beaucoup plus rayonnante ainsi. Son meilleur ami vint la serrer contre elle et l’embrassa sur le front. « T’es superbe, ma princesse. Allez, viens, on va être en retard ! » « D’accord… Laisse moi juste dix minutes, s’il te plait… » Et il comprit, tandis qu’il la lâcha pour attraper son sac et sortir par la porte de l’entrée. Ce fut dans un silence atroce qu’elle se retrouva seule dans l’appartement de toute sa vie. Elle effleura chaque meuble, les yeux clos, les larmes coulant sur ses joues rosées. « Je t’aimerais toujours, Adriel. Tu seras toujours en moi, n’importe où je serais. » Pour seule bagage, elle porta seulement le médaillon d’Adriel, ainsi que son t-shirt préféré. De toute façon, elle n’avait plus que ça.

Parfois, l'oubli reste le meilleur moyen de lutter contre la douleur. Nouveau départ. Nouvelle vie. Emrys et Ginger s’envolèrent vers les USA, à San Francisco, là où ils avaient toujours rêvé de vivre étant petits. Trois ans ont passé. Notre terrible Ginger, bourrée de remords et de mélancolies, est devenue une jeune femme forte, toujours solitaire mais le sourire aux lèvres. Elle n’a toujours pas quitté le t-shirt d’Adriel, s’endort toujours avec, et porte toujours autour du coup le médaillon de son homme. Elle ne l’oublie pas. Jamais. Mais elle se sent revivre, renaître, comme si on lui redonnait petit à petit tous les organes qui lui permettaient de respirer, de se nourrir correctement et de vivre. Emrys est toujours à ses côtés, pour le meilleur et pour le pire, supportant tant bien que mal une Ginger caractérielle et parfois un peu trop indépendante. Supportant sa fumée de cigarette chaque matin et son habituel verre de Whiskey. Elle n’a pas changé, mais elle ne reste plus dans sa chambre à broyer du noir. Elle vit, bouge, se déplace, et s’est trouvée un boulot en tant que serveuse. Son rêve de toute petite, être médecin, s’est totalement brisé en miettes, mais qu’importe, son sourire est revenu. Mais une petite annonce a vite capté l'attention de son meilleur ami. Vivant ensembles, dans un appartement pas terrible et avec des salaires assez bas, l'idée de se trouver un job dans ce paquebot de luxe était inespéré. Emrys entraîna Ginger à bord du paquebot sans qu'elle ne puisse le contredire. Il est sûr qu'il devra supporter ses râlements, étant donné que Mademoiselle n'était pas du tout pour cet embarquement immédiat !
« Salut beauté fatale, qu’est-ce que tu fais ce soir ? » « Dégage, Lewis.. » Elle soupira, refermant lentement la porte d'entrée de sa cabine de bonne qu’elle occupait avec son meilleur ami. Le jeune homme vint y glisser un pied, passant sa tête de crétin pour la regarder, tout sourire. « Nan, sérieux, ça te dit de boire un verre avec moi ? » « J’ai une tête à aller boire un verre avec quelqu’un comme toi ? » « Ok, super, 19h au 3éme étage, sois à l’heure pour une fois, poupée ! » « Dans tes rêves ! » Ginger lui claqua une nouvelle fois la porte au nez.
19h. Malgré ses réticences, la jeune femme se rendit à ce fameux bar. Elle ne savait même pas pourquoi elle s’y rendait à chaque fois qu’il lui proposait de boire un verre. Il la connaissait que trop bien. Et quand il la vit entrer dans leur bar préféré, Lewis eut cette satisfaction qu’il avait toujours quand il gagnait. « Te réjouis pas trop vite, je reste cinq minutes ! » Au final, ils sont restés là toute la nuit, à s’enfiler verre sur verre, jusqu’à ne plus savoir marcher. Et comme d’habitude, Lewis tenta de l’embrasser, tandis que Ginger, pourtant saoule, se recula pour ne pas aller trop loin. La mort de son ancien petit-ami, qu’elle porte toujours dans son cœur, l’empêche de faire quelque chose qu’elle pourrait regretter. Lewis n’est même pas au courant, elle ne lui a jamais dit. Pour lui, ce qui l’importe, c’est l’avoir dans son lit. C’est un dragueur né, un Don Juan, qui enchaîne les conquêtes. Mais cette fille, cette fille farouche et caractérielle qui le rembarre sans arrêt, le rend dingue. Il la veut. Et il tentera tout ce qui est en son pouvoir pour l’obtenir.